Réflexions sur une prise de contact avec l’hindouisme

Pubblicato in Missione Oggi
Janavier2010

Par Jean Paré IMC


La mission est devenue essentiellement dialogue interreligieux.   Pour dialoguer, il faut entrer en contact avec les autres traditions religieuses et spirituelles.  Je crois qu’il y a un lien très fort entre religions et cultures; c’est pourquoi il me semble ne pouvoir expérimenter réellement une tradition religieuse qu’en allant vivre quelque temps au milieu de ces adhérents.  Ainsi, en 2008, j’ai eu la chance de passer trois mois en Thaïlande, dont deux séjours prolongés dans des monastères bouddhistes.  

Cette fois-ci, je désirais m’approcher de l’hindouisme.  Il fallait donc aller en Inde.  J’y ai donc séjourné du 8 décembre 2009 au 14 janvier 2010.  Cinq semaines pour faire l’expérience d’une religion, c’est totalement insuffisant.  Je ne prétendrai donc pas connaître l’hindouisme, mais seulement d’en avoir expérimenté quelques facettes.
Les premiers dix jours ont été consacrés à des séjours prolongés dans deux ashrams, le premier à Rishikesk : le Parmath Niketan Ashram, et le deuxième a Gokul, le Udasin Karsni Ashram.  C’est un ami à moi, Monsieur Askok Vohra, doyen du département de philosophie à la faculté des Arts de l’université de Delhi, qui m’avait aidé à programmer ces séjours.  Par la suite, nous voulions séjourner dans la ville la plus sainte de l’Inde, Varanasi (Bénares) et terminer cette approche de cette très ancienne religion par la visite de quelques villes saintes du sud de l’Inde, spécialement au Tamil Nadu.
Malheureusement, en arrivant à Chennai, nous sommes tombés malades de sorte que les visites dans le sud ont dû être écourtées et que notre voyage a dû être interrompu pour rentrer au Canada et reprendre des forces.

Complexité de l’hindouisme
Ce qui surprend le plus un non-hindou, c’est l’extrême variété de l’hindouisme, de ses croyances, pratiques et rites (est-ce que ma réaction dépend de mon contexte catholique où pendant des siècles on a insisté sur l’unité, et même l’uniformité?)
Les hindous ont toutes sortes de croyances.  La plupart sont polythéistes, même s’ils accordent plus d’importance à un dieu ou à une déesse.  D’autres rejettent les croyances en Dieu et professent une foi en une énergie cosmique qui pénètre et vivifie tout.  La plupart se rendent en pèlerinage dans quelques temples 3 ou 4 fois par année ou participent à des fêtes ou festivals;  d’autres limitent leur pratique à la méditation ou à une oraison personnelle en grande partie silencieuse.  Dans les temples, une minorité pratique des rites constitués de chants, de lectures et de sermons, alors que d’autres utilisent toutes sortes d’éléments, comme l’huile et le lait, les onguents et des herbes, des fleurs… pour manifester leur vénération et recevoir des bénédictions.  Il y a aussi des diversités dans les attitudes et pratiques morales, même s’il y a une série d’une dizaine de ‘commandements’ qui semblent accepter par tous.  La majorité est végétarienne et quelques-uns sont même végétariens stricts (ce qui signifie non seulement absence de viande, mais aussi d’œufs et de poissons).  Néanmoins il y a des regroupements qui ne sont pas faciles à discerner par les étrangers; c’est ainsi qu’après quelques jours nous nous sommes rendus compte que les trois lignes horizontales sur le front de notre chauffeur signifiaient qu’il appartenait au groupe des Shaivites.  De même sont nombreux les partisans de Hare Krishna, les Vaihnavas, qui ont une grande dévotion  à Vishnu, à la déesse Lakshmi et à Rama.   Il y aurait aussi des Shaktas qui vénèrent la Mère de l’univers, sans oublier les Jains et les Sikhs, qui sont en quelque sorte des sectes qui se sont détachés de l’hindouisme.
À cette diversité de contenu s’ajoute une variété de ce que j’appellerais ‘des niveaux d’expérience religieuse’.  Dans les deux ashrams, j’ai vu une certaine élite hindoue.  Dans nos visites dans d’autres temples, nous avons constaté des manifestations populaires de l’hindouisme.  Je reconnais maintenant que dans toutes les religions il y a des niveaux différents de l’expérience religieuse : l’hindouisme de mon ami philosophe de Delhi est très différent de celui des gens qui se rendaient en pèlerinage au temple de Thanjavour;  la théologie du swami K. Gurusharanananda et du Docteur Alka m’offrait un discours sur Dieu très proche de ma propre réflexion sur Dieu.  Mais les manifestations populaires dans les sanctuaires des temples m’ont souvent surprises et parfois déplues.
À Rishikesh, à chaque coucher du soleil, dans un espace spécialement aménagé face au Gange, il y a un rituel ou cérémonie appelé ‘aarti’; autour d’un foyer où les personnes assises tout autour jettent de l’encens, des herbes et de l’eau, un chœur chante et les gens entonnent les refrains tous ensemble, tout en se dandinant;  des chandeliers sont allumés et passent de main en main en signe de bénédiction.  La cérémonie dure entre 50 et 60 minutes.  Les touristes y sont nombreux.
À Gogul, il y a aussi une cérémonie de l’’aarti’ beaucoup plus simple; elle consiste à imposer leurs vêtements de nuit aux statues des divinités et des anciens gurus qui sont dans les cinq niches du chœur du temple, à les encenser avec des chandeliers allumés, pendant que des danses et des chants sont accomplis par un petit chœur et quelques personnes de l’assemblée.  Deux éléphants participent à la cérémonie en agitant fleurs et chandeliers dans leur trompe.  À un moment donné, toute l’assemblée se déplace dans trois petits temples voisins où l’un dépose fleurs, huile et eau sur divers symboles religieux.  À la fin, on donne un peu de sucre aux personnes qui en veulent et le mangent.
Je confiais au Docteur Alka, à Rishikesk : « Votre cérémonie est moderne, urbaine et postmoderne ».  Le ashram de Gokul se veut proche de la nature et invite à une communion avec les animaux :  ces rites sont plus ‘primitifs’!
Dans mes échanges avec le swami, je lui exposais cette impression.  Il m’a confirmé qu’une des caractéristiques de l’hindouisme, ce n’est pas seulement son extrême diversité de contenu, mais aussi qu’il y a toute une série de niveaux d’expériences : l’hindouisme populaire est très différent de celui des intellectuels ou des moines, celui des villes est distinct de celui des campagnes…
Maintenant je me rends compte que cette diversité de niveaux existe dans toutes les religions.  Les grandes religions du monde ne manifestent pas seulement une extrême diversité interne, mais cette même diversité peut être regroupée selon divers niveaux d’expérience religieuse et d’interprétation.

Les dieux continuent à parler
En théologie chrétienne, la révélation est close avec le dernier écrit du Nouveau Testament.  Certes, la pluralité interne de l’hindouisme est extrême, mais il y a plus : elle n’est pas achevée :  dans l’hindouisme la révélation n’est pas close.  Chaque nouveau gourou, chaque nouveau swami ajoute quelque chose à l’expérience du divin.  En quelque sorte, le swami est une manifestation spéciale de Dieu, il apporte donc quelque chose de particulier à l’humanité.  Je me suis rendu compte que ce qui fait la spécificité de l’ashram, c’est le gourou ou swami qui l’a fondé ou créé.  Les disciples qui s’assemblent autour de lui essaient de vivre et de mettre en pratique son enseignement et son exemple.  Au cœur de l’ashram de Gokul, en son plein centre, il y a l’endroit où réside le swami K. Gurushanananda et la salle où il enseigne et rencontre les gens;  autour de ces édifices, il y a une centaine de minuscules cellules disposées en rectangle, là vivent les ‘saints’, tous des hommes qui vivent de manière plus forte l’hindouisme proné par le swami; dans cet enclos, on ne peut entrer et marcher qu’en enlevant ses chaussures, c’est un endroit sacré.  Puis à l’extérieur de ce rectangle, il y a les résidences où habitent quelques dizaines de bénévoles et de sympathisants, des édifices pour accueillir des visiteurs, il y a aussi une ferme, des étables, des artisans, des jardins, des écoles, un réfectoire où tous les pélerins peuvent prendre un repas gratuitement, etc. L’ashram tente d’être autosuffisant.  Cette disposition est un symbole :  c’est le swami qui est le plus proche du divin, puis il y a les saints, et plus on s’en éloigne, plus on s’éloigne de l’énergie de l’univers…
À Pondicherry et Auroville, j’ai visité l’ashram de Sri Aurobindo, décédé depuis plusieurs années, mais qui continue, car près de 10000 personnes persistent à vivre de son exemple, de son enseignement, comme de celle qu’ils appellent ‘la mère’.  Dans un certain sens, on pourrait parler de la religion d’Aurobindo, comme on parle du christianisme comme la religion des personnes qui veulent vivre comme Jésus de Nazareth.

Qu’est-ce qui est commun?
Dans cette diversité extrême des croyances, des pratiques et des rites, est-ce qu’il y a quelque chose de commun aux différentes formes d’hindouisme?   À cette question, le swami de Gogul a répondu :  les croyances au karma et à la réincarnation;   à la même question, Monsieur Vohra a ajouté la croyance en l’âme en commentant : « La croyance en l’âme est nécessaire pour répondre à la question : qu’est-ce qui se réincarne? »
Je signalerais seulement à ce point que ce ne sont ni les pratiques ni les rites, mais apparemment seulement quelques croyances qui constituent un certain dénominateur commun de cette grande religion asiatique.

Dieu et dieux
Certains considèrent l’hindouisme comme polythéiste, comme une religion croyant en de nombreux dieux.  Effectivement quand on visite les temples des villes saintes où des milliers, des centaines de milliers de personnes s’assemblent, on voit divers sanctuaires et, en chacun d’eux, il y a une statue ou des représentations d’une multitude de Dieu.  Un bel exemple me semble le temple de Meenakshi à Madurai.  Construit au même moment que le Taj Mahal de Agra, il inclut divers sanctuaires :  les étrangers ne peuvent pas pénétrer dans le sanctuaire de Meenakshi, la déesse aux yeux de poissons et une des épouses de Siva; mais Siva lui- même a son sanctuaire dans la partie ouest. Mais même à Mamallapuram, sur la côte orientale au sud de Chennai, dans un site reconnu patrimoine de l’humanité par l’UNESCO, on découvre une série d’une dizaine de petits temples sculptés dans le roc dédiés à Ganesh l’éléphant, à Krishna, à Brahma, Vishnu et Siva (ce dernier représenté sous une forme phallique), mais il y a aussi Durga et diverses incarnations de Vishnu, comme le sanglier Varaha et le Vamana…  Tous ces temples, mandapas et rathas ont été réalisés au VIIe siècle durant la dynastie des Pallava.  De manière semblable, quand on visite les fameux temples de Khajuraho, ceux avec des scènes érotiques, on peut constater que sur une surface de deux ou trois kilomètres carrés, il y a une douzaine de temples consacrés à autant de dieux et de déesses différentes.
Dans mes échanges avec le swami de Gokul, il m’a confié :  « Quand j’étais jeune, évidemment je croyais qu’il s’agissait de dieux et de déesses multiples.  Maintenant je crois qu’il s’agit de manifestations différentes d’un seul et même dieu! »  À Rishikesh, Dr Alka parlait d’une multiplicité de formes et de manifestations d’une seule et même divinité; elle ajoutait que Dieu est présent en tout, qu’en un certain sens rien ne peut exister et être sans être ‘divin’, sans avoir quelque énergie et force divines!  Mais elle ajoutait :  « En fait il s’agit toujours de la même force universelle, de la même énergie qui pénètre et fait vivre tout ce qui existe! »  Cette énergie universelle passe en nous de diverses manières et par d’innombrables façons : la méditation, le pèlerinage, la dévotion, un acte de charité, la pratique d’une vertu…  « Même le sexe, mon père, même le sexe! » a insisté le swami de Gogul à mon égard.  De même cette force est présente dans la nature, plus dans le Gange mais aussi dans l’eau, comme en tout vivant…  Cela m’a fait penser à une manière traditionnelle de présenter les sacrements catholiques comme des canaux par lesquels passe la grâce divine.
Maintenant je crois qu’aucune croyance n’est parfaite et engendre toujours des excès.  Déjà il y a 30 ans, quand j’étais étudiant à Paris, ma croyance en Dieu avait été ébranlée par des échanges avec des athées ou des indifférents Dès cette époque, j’avais des questions sur les caractères personnel et transcendant du Dieu chrétien.  En ce sens, ma croyance en Dieu est proche de celle du Docteur Alka et du swami de Gogul. Il n’y a pas de doute pour moi que la croyance en diverses divinités favorise le pluralisme, la tolérance et l’acceptation des différences.  J’ajouterais qu’aucun discours sur Dieu n’est parfait!  Maintenant je comprends mieux la réaction de Bouddha :  face au foisonnement hindou de divinités, il a préféré se taire;  je ne crois pas que le bouddhisme soit athée, mais les bouddhistes préfèrent ne pas parler de ces questions.

Réalité une ou plurielle
À Tiruchirappali, j’ai pu échangé avec un professeur de philosophie du collège de Trichi; il me rappela que dans l’histoire de l’hindouisme il y a diverses écoles et interprétations, les unes insistant sur l’unité fondamentale de tout ce qui existe, les autres voyant dans le réel l’existence d’une réelle pluralité d’êtres, d’âmes, d’esprits, de divinités, etc.  La réalité est-elle une ou plurielle?  
Il y a une école qui propose une interprétation atomique du réel :  tout se réduit ultimement à des atomes, la plus petite unité de l’être; pour d’autres, il y a fondamentalement de l’esprit et de la matière, mais il y a aussi des courants qui énumèrent plus d’une vingtaine de composantes vraiment distinctes les unes des autres :  il n’y a pas seulement la matière physique solide ou liquide ou gazeuse, il y a aussi les habiletés à se mouvoir, à parler, à sentir, à procréer, il faut aussi ajouter les pensées, l’identité personnelle, la conscience, la matière dite primordiale et même l’esprit éternel!  Pour un autre courant, tout cela n’est qu’illusion! L’hindouisme se vit dans toutes ces diverses interprétations de la réalité.
Il me semble légitime de déclarer que les élites hindous sont plus panenthéistes que panthéistes, tandis que les gens sont plus polythéistes que monothéistes.  La croyance que Dieu continue à se révéler encore aujourd’hui me semble importante pour éviter des dérives fondamentalistes qui se referment sur des textes anciens interprétés littéralement.  Dans le fond, dans la théologie catholique traditionnelle, pour éviter cela, on a dû ajouter aux Écritures la tradition des pères et du magistère qui, dit-on, mettent à jour les enseignements anciens.

Tolérance et ouverture
En Occident, face à la diversité, souvent nous séparons et opposons.  J’ai constaté que les hindous essaient de rapprocher et de combiner.  C’est certainement la religion la plus ouverte et la plus tolérante de toutes croyances et pratiques que je connaisse.  Mais j’ai aussi constaté que malgré les solennelles professions d’acceptation des différences et des diversités, il y a des limites.  Il est habituel d’enlever ces chaussures quand on entre dans un temple ou une maison;  les Vohra n’ont pas insisté quand nous avons pénétré chez eux avec nos souliers.  Mais aux trois temples jains de Khajuraho, non seulement on nous interdisait de pénétrer sans enlever nos souliers, mais en plus on nous a fait enlever nos bas!  Un autre point sensible, c’est le végétarianisme :  il y a les végétariens et les végétariens strictes, ces derniers ne mangeant même pas de poissons ou d’œufs.  Chez les Vohra, les deux femmes sont végétariennes strictes, mais le mari n’est pas végétarien.  Néanmoins à la maison, je pense que Madame ne prépare que des mets végétariens; la tolérance de Monsieur Vohra consiste en ce qu’il va manger de la viande quand il est ailleurs en Occident et qu’on lui en sert!  Mais où prennent-ils leurs protéines?  Dans les fèves, pois, lentilles, noix, fromages, etc.
J’ai été surpris à quelques endroits qu’il était interdit aux étrangers de pénétrer dans certaines parties des temples.  Ce fut le cas à l’extraordinaire temple de Brihadisvara à Thanjavour, où ce qu’ils appellent l’  « inner sanctorum » est interdit aux étrangers; de la même manière nous n’avons pas pu pénétrer dans la section réservée à la « déesse aux yeux de poisson » au temple de Meenakshi à Madurai;  de même le Temple d’Or de Varanasi est totalement fermé aux non hindous, on peut seulement jeter un coup d’œil par la porte!  Personnellement je regrette ces interdictions et je crois qu’elles sont le résultat de pression de la part des gens.  Les intellectuels avec qui j’ai échangé m’auraient probablement ouverts des portes.  

Une religion primitive
Quelques hindous ont insisté qu’il n’y avait pas de conception du ‘péché’ en hindouisme. Évidemment cela ne signifie pas, ce sont eux qui l’ajoutent, qu’il n’y a pas la reconnaissance d’un bien et du mal.  J’aurais aimé approfondir cette question; il m’a semblé qu’elle découlait d’une conception dépassée du péché.
Parmi les grandes religions mondiales, l’hindouisme est sans doute la plus ancienne.  En en faisant un peu l’expérience, plusieurs fois il m’est venu l’idée que l’hindouisme avait conservé quelque chose de primitif.  D’où m’est venue cette impression?  Certes les sacrifices des animaux sont disparus parait-il depuis 50 ans, mais les animaux sont souvent présents dans les temples :  à Gogul et à Madurai, ce qui amuse les enfants.  On voit encore dans les temples des gestes et des rites étonnants :  à Gogul, le matin très tôt, j’ai vu une vieille femme versé de l’huile, du lait et toutes sortes d’autres onguents et liquides sur un linga – symbole de la déesse Shiva – mais qui est aussi pour moi un symbole phallique; elle a aussi mélangé diverses herbes et autres matières écrasés qu’elle a déposé sur et autour du linga, pendant qu’elle récitait des formules rituelles.  
La cérémonie de l’aarti à Rishikesh a été définitivement plus moderne que celle de Gokul, où les éléphants jouent un rôle;  à Rishikesh le feu, la lumière, l’encens et les chants jouent un rôle prédominant.  Le magnifique aarti de Varanasi, avec pratiquement les mêmes rites qu’à Rishikesh, est plus théâtrale et spectaculaire, parce que sept jeunes hommes font les mêmes gestes en même temps, sous les projecteurs, juste devant le Gange, où flottent des milliers de petits flambeaux.
La richesse d’expressions des expériences religieuses hindous, la diversité des croyances, des pratiques et des morales sont aussi un symptôme de cette ‘primitivité’.  Selon moi, il n’y a pas de doute que ce caractère lui vient du peu d’institutionnalisation de l’hindouisme au cours des trois milles années de son existence :  pas de clergé ou de magistère pour définir des dogmes et un catéchisme, une morale et une liturgie!

Mélange de culture et de religion
Depuis le début du vingtième siècle, les missiologues catholiques parlent beaucoup d’inculturation, en tant que rencontre ou carrefour entre la religion et la culture.  J’avais constaté en Israël un mélange du religieux et du culturel;  il est difficile de séparer la religion et la culture dans le monde juif.  Certes de plus en plus de gens distinguent les juifs des israélites, mais les liens entre ces dimensions religieuse et culturelle sont encore nombreux et difficiles à démêler :  cela relève-t-il de la culture ou de la religion?  J’ai eu la même impression avec l’hindouisme, où certains distinguent semblablement entre indiens et hindous.
Autrefois les veuves étaient immolées incinérées avec le cadavre de leur époux.  J’ai compris que déjà à l’époque de la colonie britannique cette ‘coutume’ a été interdite.  Était-ce une manifestation de la religion hindoue ou de la culture indienne?   Aujourd’hui, quand on fait le tour de bateau sur le Gange à Varanasi, les guides s’arrêtent près des ghats – des quais – où sont brûlés les cadavres.  Pour un hindou, il est mieux de mourir et d’être incinéré à Varanasi.  S’agit-il là d’une croyance religieuse ou d’une coutume sociale?  Comment les distinguer?  La difficulté n’est pas diminuée quand le guide nous explique que la municipalité a construit un incinérateur qui permet de brûler plus efficacement les cadavres avant de les jeter dans le fleuve.  Mais dans le cas de cadavres d’enfants ou de personnes mortes de certaines maladies – comme la lèpre -,  les corps ne sont pas brûlés, mais jetés au fond du fleuve, où des tortues carnivores les mangent!
Quand j’ai vu ces personnes descendre dans le Gange, s’arroser d’eau ou s’y immerger, ou bien laisser couler de leurs deux mains jointes un peu d’eau en levant les bras vers le ciel, je n’ai pas de difficulté à voir un geste religieux.  Mais les gestes entourant les morts me semblent relever des cultures, des us et des coutumes.  Mon interprétation - c’est-à-dire mon observation elle-même et la compréhension que j’en ai - n’est-elle pas encore et toujours une manifestation de ma propre culture?  Si je fais cette expérience-là et si je l’évalue de cette manière, n’est-ce pas à cause de ma propre culture? N’ai-je pas vu ce que ma culture et mon éducation me permettaient de voir?  N’ai-je pas compris ce que ma culture me permettait de penser et ma langue d’exprimer?  Une inculturation de ma propre expérience religieuse dans ces coutumes indiennes ou hindoues serait-elle possible?
On voit peu d’églises chrétiennes dans le nord, mais elles sont bien présentes dans le sud.  J’ai été heureux de constater que les gens se déchaussent avant d’entrer dans une église.  C’est une inculturation qui m’a semblé ‘normale’.  Mais si on lit des textes des écritures hindoues avant la célébration eucharistique, ou même en tant que première des lectures, s’agit-il là d’une inculturation légitime ?   Confessons-le :  il y a des textes des traditions hindoues qui sont admirables, mais comme dans les textes des anciennes alliances juives (ancien testament), il y a des textes qui sont difficiles à lire et à accepter aujourd’hui, non seulement à cause de leur violence.  J’ai le sentiment face aux textes transmis dans toutes les traditions religieuses que nous devons développer une certaine distance critique.  Comme pour l’hindouisme, la ‘révélation’ n’est pas close, ils peuvent lire les textes de Krishnamurti ou de  Aurobindo comme des écritures; et évidemment ces textes sont souvent plus signifiants aux lectrices et lecteurs du XXIe siècle que des textes écrits il y a 2 ou 3 milles ans!

Conclusion
J’ai été heureux de faire une certaine expérience de l’hindouisme.  Je suis convaincu que toutes les traditions religieuses et spirituelles ont toutes quelque chose de bon, de vrai et de signifiant pour l’humanité d’aujourd’hui.  Mais je crois aussi et de plus en plus que nous ne pouvons pas accepter sans critique n’importe quelle religion ou spiritualité.
Quelle est ma réaction en tant que missionnaire?  La mission aujourd’hui, c’est de faire en sorte que l’humanité progresse, selon tous les niveaux et dans toutes les dimensions de sa vie.  Les cultures doivent progresser et se développer, et en conséquence nous devons développer une certaine distance critique face à chaque culture, us et coutume.  Il en va de même pour les traditions spirituelles et religieuses;  nous devons être critiques face à toutes croyances, morales et rites.  Notre seul outil pour procéder à cette critique est la raison.  Mais je suis aussi critique face à tout raisonnement, comme le philosophe allemand Habermas.  Il n’y a pas de ‘raison’ en tant que faculté infaillible de l’esprit humain!  Même cet outil doit être critiqué et développé.  Les sciences nous y aident; mais elles non plus ne jouissent d’aucune infaillibilité.  
De plus, l’ensemble de ce processus ne peut se faire qu’en dialogue avec toutes les personnes qui aux quatre coins du monde essaient d’améliorer nos religions,  nos connaissances, nos cultures et nos vies.
C’est cela la mission aujourd’hui :  entrer dans ce grand dialogue de toutes les personnes de bonne volonté qui essaient de créer un monde meilleur.  Ce dialogue, ce n’est pas seulement une conversation, c’est aussi une action.  Nous dialoguons par des échanges et par des actions posées ensemble.
Dans ma quête du vrai, du beau et du bon, cette trop brève expérience de l’hindouisme a apporté quelques éléments nouveaux…
Ultima modifica il Giovedì, 05 Febbraio 2015 16:56

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