Peut-on tolérer des propos xénophobes, racistes dans nos communautés religieuses?

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Introduction

L’Évangile de Jésus-Christ prend sa source dans cet amour inconditionnel de Dieu pour chaque être humain dont témoignent les religieux ou consacrés dans la vie religieuse. Chaque personne consacrée à la vie religieuse devrait se sentir la bienvenue sur cette terre ou dans la communauté où elle est envoyée. Elle a besoin d’être accueillie.

Cependant, de par mon expérience personnelle et celles d'autres personnes consacrées, il ressort qu’il y a un mouvement de certaines personnes consacrées vivant dans des communautés religieuses, qui prétendent par ailleurs défendre des valeurs chrétiennes, qui participe en réalité à une expression xénophobe, discriminatoire et raciste envers les confrères ou consœurs d’autres continents. Toutefois, nous savons que ces discours et ces attitudes sont radicalement incompatibles avec la foi chrétienne, comme en témoignent les enseignements de Centesimus Annuset Caritas in Veritate. 

Que signifient les vocables xénophobie, discrimination, racisme? Discrimination a un sens péjoratif et signifie l’action de distinguer de façon injuste ou illégitime, comme le fait de séparer un individu ou un groupe social des autres en le traitant moins bien; la xénophobie est la manifestation d’une grande hostilité vis-à-vis des étrangers. Le racisme est une idéologie qui considère certaines catégories de personnes intrinsèquement supérieures à d’autres. Le message de l’Évangile de Jésus-Christ, dont les religieux et religieuses sont censés témoigner, est libérateur et nous appelle à découvrir dans notre semblable un confrère ou une consœur et à bâtir ensemble un monde fraternel et humain.

Présentes à mon esprit depuis un bon moment, autant de questions me poussent aujourd’hui à écrire sur la façon dont est vécue, de nos jours, la vie religieuse communautaire entre certains membres d'origine diverse. Notre réflexion sera partagée en deux sections: la première consistera d'abord à faire une autopsie de nous-mêmes suivant le modèle de Johari; la seconde section consistera à se concentrer sur certaines attitudes à développer dans les relations avec les autres. Finalement, une conclusion bouclera la réflexion.

I. La Fenêtre de Johari(Joseph Luft et Harrington Ingham en 1955)

« La fenêtre de Johari » est un outil de développement personnel qui sert à la connaissance de soi. Elle est expliquée en quatre zones :

1. Zone publique :ce sont des informations connues publiquement. Par exemple, notre carrière, nos études, notre situation personnelle (état civil). Bref, elle représente la manière dont tout le monde nous voit.

2. Zone cachée : Il s’agit de notre jardin secret. Ce sont des informations que nous ne jugeons pas nécessaires de transmettre à autrui ou que nous n’avons pas pensé à révéler. Il se peut par exemple que vous n’ayez jamais dit, par pudeur, que l’altruisme occupait une grande place dans votre vie et que vous consacriez vos week-ends à aider les plus démunis. La zone cachée est alimentée à la fois par une action consciente et par des réflexes inconscients.

3. Zone aveugle :Cette zone est particulièrement intéressante. Elle représente l’image qu’ont les autres de nous mais que nous ne connaissons pas. Cette partie est essentiellement due à des actions inconscientes de notre part: communication non-verbale, lapsus, tics de langage…

4. Zone inconnue :nous avons tous du potentiel inexploité, des talents que nous n’avons pas encore exprimés mais aussi des désirs et des besoins que nous gardons enfouis en nous sans le savoir. Les informations contenues dans cette zone sont donc inconnues de nous et des autres. 

II.    Se camoufler derrière des dictons

« L’être humain est un être-pour-autrui, c’est-à-dire capable de vivre pour autrui et d’être lui-même à partir d’autrui qui est extérieur à lui. (…) L’autre a besoin de moi pour être, comme moi j’ai besoin de l’autre pour être. » Emmanuel Levinas.

La culture française foisonne de dictons populaires : « laver son linge sale en famille » ; « toute vérité n’est pas bonne à dire » ; « tout être humain est voué à l’erreur » ; « les étrangers ne veulent pas s'intégrer ». Oui, il est tout à fait compréhensible de chercher à camoufler ses faiblesses humaines, à se justifier derrière des dictons ou expressions. Jean Vanier souligne trois éléments indispensables pour définir la vie dans la communauté : « aimer chacun; être liés ensemble et vivre la mission » (p. 28). Selon lui, une communauté n’est pas seulement un groupe de personnes qui vivent ensemble et qui s’aiment. Mais aussi un lieu de résurrection, un courant de vie : un cœur, une âme, un esprit. « Ce sont des personnes très différentes les unes des autres qui s’aiment, qui sont toutes tendues vers la même espérance et qui célèbrent le même amour » (p. 64). 

Je suis personnellement étonné et même surpris de constater qu’un groupe de consacrés dans une communauté refuse de former communauté avec un membre ou des membres d’autres pays ou continents. Je me pose ces questions fondamentales : « Cette communauté est-elle une création basée sur l'identité culturelle de ces membres ou bien une communauté de la congrégation ? » ; « Est-il réellement pensable dans ce siècle-ci de constater qu’un groupe de confrères ou consœurs prennent seuls une décision de ne pas vivre la communauté avec des confrères venant d’ailleurs ? » ; « Où va la vie communautaire dans la vie religieuse ? » Ces faits montrent sans doute combien il y a manque d’amour vrai dans certaines communautés. On mange ensemble, prie ensemble, fait des réunions communautaires ensemble, mais en réalité c’est de la mascarade ou de la momerie. Ainsi, il est légitime de se demander si des propos ou faits xénophobes ou racistes ou discriminatoires sont tolérés (ou tolérables) dans la vie religieuse en communauté. 

On se croirait parfois dans l'arène politique où des partisans d’un parti, dont les membres se connaissent tous entre eux, défendent leur idéologie et sont même prêts à s’unir pour contrer la vérité. L’élément le plus dangereux et à craindre le plus, c’est lorsque la personne en autorité fait partie de ce groupe. À ce moment, à coup sûr, la vie devient un « enfer » pour les autres. Faire de ses faiblesses humaines une source de valeur pour condamner les autres n’est pas digne d’un témoin du Christ. N’est-il pas indispensable de recourir à la source première de la vie religieuse, en l’occurrence l’intimité avec le Seigneur, source d’amour et de charité ? 

Avec de telles attitudes, la personne consacrée n'est qu'une caricature qui se cache derrière un masque. Elle se présente comme un agneau, mais dans son cœur il y a risque d'y trouver un lion ou lionne. Je pense que ces confrères ou consœurs ont besoin de trouver Jésus-Christ dans leur vie quotidienne. L’exemple le plus probant est celui de l'apôtre Philippe. Jésus n’a-t-il pas dit à Philippe : « Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne m'as pas connu, Philippe! Celui qui m'a vu a vu le Père; comment dis-tu: Montre-nous le Père? » (Jean 14,9). Cela montre d’emblée que « Jésus-Christ est la révélation de la miséricorde de Dieu, le visage miséricordieux du Père ». Ces mots résument le mystère de la foi chrétienne : Jésus est le « Verbe fait chair » qui révèle la « gloire » du Père au monde. Dieu a tant aimé le monde que l'envoi de son Fils dans le monde est justifié par son intention de sauver le monde et non de le condamner (Évangile de Jean 3 : 16-17). La contemplation quotidienne du visage du Christ, révélation du Père miséricordieux, fait de nous automatiquement des « témoins de la miséricorde divine » les uns pour les autres. 

Nous sommes appelés à témoigner cette miséricorde manifestée sous forme d’amour pour autrui. Dans l’hymne à la charité, saint Paul le rappelle en disant que nous aurions beau parler les langues des hommes et des anges et avoir une foi à déplacer les montagnes, s’il nous manquait la charité, tout cela ne serait rien (Cf. 1 Co 13, 2). « Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c’est l’amour que vous aurez les uns pour les autres (Jean 13, 35)La communauté est un lieu d’amitié vraie et d’amour fraternel ; un lieu de pardon et de réconciliation.

III. La communauté : lieu de relations vraies et d’amour fraternel

Paraphrasant Jean Vanier, Véronique Lang écrit : « Cet autre dont je me suis approchée, voilà qu’il devient comme un miroir : je me vois semblable à lui, nous partageons une expérience commune d’où la compassion peut jaillir. Je découvre inévitablement que je suis moi-même blessée et que j’ai besoin de guérison » (p. 117). Dans ses deux livres, Le célibat religieux et Vivre la différence, Laurent Boisvert évoque trois éléments ou critères relatifs à soi et à l’autre pour avoir de vraies relations.

a.    Perception de soi et de l’autre : la connaissance de soi avant tout permet de connaître quelque-chose de l’autre, surtout en sachant que l’être humain est un mystère.

b.    Acceptation de soi et de l’autre : s’accepter entraîne l’acceptation de l’autre.

c.    Actualisation de soi et de l’autre : chacun aspire à être davantage.

La connaissance et l’intégration de ces trois critères dans sa vie personnelle permettent d’avoir une certaine attitude de connaissance de soi et d’autrui dans la vie communautaire. Ainsi, je vis avec autrui comme un frère ou une sœur qui est unique en son genre, ayant ses qualités et ses faiblesses. Ma relation avec autrui se vit dans une approche miséricordieuse. Cela revient à dire qu’autrui est considéré comme une création divine, une richesse pour moi et la communauté indépendamment de son âge, de sa race, de sa tribu, sa nation ou son continent. Dans le cas contraire, nous tombons dans la tentation du jugement. 

 (…) Je voudrais ici souligner l’importance, dans cette vie communautaire, des relations d’amitié et de fraternité qui font partie intégrante de cette formation. Nous abordons un autre problème ici. Pourquoi est-ce que je dis cela : les relations d’amitié et de fraternité? Très souvent, j’ai trouvé des communautés (…) où les conversations les plus communes sont les commérages! C’est terrible! Ils se font la peau entre eux… Mais c’est l’enfer, cette communauté! Cela ne fait pas de bien. Et c’est pour cela que la relation d’amitié et de fraternité est importante. Ne jamais dire du mal des autres. (…) C’est important la fraternité! (Extrait de l’allocution du pape François aux religieux, religieuses, séminaristes et novices le 6 juillet 2013 à Rome)

Conclusion

La vie communautaire dans la vie religieuse est un appel du Seigneur qui se vit dans la joie et l’amour. On ne choisit pas le confrère ou la consœur, mais on l’accepte comme don du Seigneur pour la communauté et pour moi. À ce sujet, nous avons encore beaucoup à apprendre du pape François: « Tous les hommes ou toutes les femmes sont frères ou sœurs, car ils sont les fils ou filles d’un même Père. » 

Dans la vie communautaire, les consacrés, appelés par Jésus-Christ, sont censés témoigner de l’amour de Dieu. Il y en a qui sont fidèles à leur vocation et en témoignent dans leur vie quotidienne. Par ailleurs, on en voit d’autres qui font semblant d’être des serviteurs de Dieu mais en réalité ils ne sont pas loin des radoteurs qui ont toujours des perceptions négatives des autres comme s'ils étaient des modèles de vie à l’exemple des saints de l’Église. De leurs bouches, ils parlent souvent de la pastorale des réfugiés et des migrants, mais je me demande si réellement ils sont heureux de les accueillir. S’ils ont des restrictions à vivre avec leurs propres confrères ou consœurs, comment vont-ils supporter les réfugiés ou les migrants?

De ce propos surgit la question fondamentale sur la qualité de notre vie communautaire. Posons-nous ces questions sans pour autant porter de jugement. Quelle perception ai-je de moi-même ? Suis-je conscient(e) de ce que je suis comme don de Dieu ? Où se situe mon aspiration ? Cette prise de conscience véritable de moi-même m’ouvre à la sympathie, ce sentiment qui nous fait participer à la joie ou à la douleur de l’autre, voire témoigner de la compassion envers l'autre. Cette connaissance de moi-même doit aller dans le sens de l’amitié vraie entre les membres, celle qui aide à grandir dans la foi et à s’épanouir dans sa consécration. Par ailleurs, fonder une communauté religieuse sur des attitudes politiques, racistes, discriminatoires ou xénophobes amène à se questionner sur l’avenir de nos communautés religieuses et de nos responsables en autorité.

Jean Vanier souligne que la vie en communauté aide la personne à la découverte et à la connaissance de soi. La personne réalise qu’elle est différente des autres et qu’elle est libre. Elle ne basera pas sa vie sur les désirs des autres ou selon un personnage emprunté, mais plutôt à partir de sa voix intérieure ; c’est ce qui fera d’elle une personne libre, capable d’aimer les autres tels que Dieu les a créés. Il s’agit de relations qui se vivent dans l’amour mutuel, sans cet esprit de critiques négatives et destructives mutuelles, comme en témoigne Dominique Boisvert dans son livre intitulé Québec, tu négliges un trésor, p. 64 : 

 « Cet amour du Père, sans reproches et sans limites, privilégie la brebis perdue aux 99 autres qui sont toujours avec lui : je vous le dis, il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent, que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de repentance. »

Bibliographie

Les écrits des Papes:

BENOIT XVI– Deus caritas est (2005).

PAPE FRANÇOIS– Misericordiae vultus (2015).

PAPE FRANÇOIS– La Miséricorde est le cœur de l’Évangile, Vatican, Libreria Editrice Vaticana, Août 2016.

Les Livres:

BOISVERT Laurent, Vivre la différence, Québec, Bellarmin, 2002, pp. 33-34.

BOISVERT, Dominique, Québec, tu négliges un trésor! Défis d’aujourd’hui, Québec, Novalis, 2015.

FINO Catherine, LAVIGNE J. Claude, LICHERI Lucie, SOULETIE Jean-Louis, La vie religieuse dans le monde d’aujourd’hui, Paris, Éd. Salvator, 2011.

LANG Véronique, VANIER Jean : La tendresse de Dieu, dans Cahiers de spiritualité ignatienne – 116 (Mai-août 2006), V. 30, Québec, Éd. Manrèse, p. 113-119.

La Bible de Jérusalem

VANIER Jean, La communauté, lieu du pardon et de la fête, Bellarmin-Fleurus, 1979, pp. 13-14

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